Son poids et le feu qui rongeait la base inférieure de leur perchoir affaiblissaient rapidement celui-ci. Oscar leva les mains et se hissa à moitié à travers le trou, soulageant l’étagère.
- Vite !
Les bras tendus pour maintenir sa stabilité, Fiona marchait aussi rapidement que son équilibre précaire le lui permettait. Plus qu ‘un mètre.
- Vite ! répéta-t-il
- Ouai j’ai enten…
Avec un nouveau craquement retentissant, la portion de l’étagère située juste sous le commandant s’effondra. Il planta solidement ses coudes dans le sol de chaque côté du trou tandis que tout le meuble s’effondrait dans les flammes. Une nouvelle vague de chaleur s’éleva, accompagnée d’une gerbe de braises.
Fiona poussa un hurlement au moment ou la section sur laquelle elle se trouvait chancela. Mais tint bon.
Pendu par les bras, Oscar cria :
- Sautez sur moi ! Accrochez-vous à moi !
Cette fois elle ne se le fit pas répéter. Elle bondit, épousant littéralement son corps, ses bras se nouant autour de son cou, ses jambes autour de sa taille. Il oscilla dans le vide tel un pendule.
- Vous pouvez prendre appui sur moi pour grimper ? Demanda-t-il, les muscles douloureux.
- Je…je crois.
Elle resta accrochée la un moment, sans bouger.
Oscar avait des crampes aux épaules.
- Fiona…
Elle trembla contre lui, puis se décida enfin. Dès qu’elle se mit en mouvement, elle ne perdit plus une seconde, plantant un orteil dans sa ceinture, avant de se hisser sur ses épaules. Elle se faufila à travers l’ouverture avec l’agilité d’un singe.
Sous eux, livres et bois se consumaient furieusement.
Sans attendre, le commandant grimpa à son tour, s’étalant avec bonheur sur le parquet. Ils se trouvaient dans un couloir, donnant sur plusieurs pièces.
- Le feu est monté jusqu’ici, murmura Fiona comme si elle craignait d’attirer l’attention des flammes.
Se retournant Oscar vit le brasier s’attaquer à la partie arrière de la maison. La fumée était encore plus épaisse qu’en bas.
La course n’était pas terminée.
- Vite !
Il fonça dans le corridor, à l’opposé de l’incendie. Il atteignit une des fenêtres condamnées et risqua un coup d’œil entre deux planches. Des gens s’étaient massé dans la rue : passants et curieux. Certains commençaient à faire la chaîne dans l’espoir d’éteindre le brasier. Il ne faisait nul doute que dans cette foule se cachaient les tueurs.
S’ils tentaient de fuir par là, ils se retrouveraient à leur merci.
Fiona scrutait l’attroupement elle aussi.
- Ils sont là, hein ?
- On s’en sortira quand même.
Oscar s’écarta et leva les yeux. Il repensa à la lucarne du grenier qu’il avait repéré un peu plus tôt depuis la rue. Ils devaient gagner le toit.
Fiona devina son intention.
- Il y a une échelle dans la pièce voisine.
Elle lui indiqua l’endroit où la trouver.
- Je venais parfois lire ici quand Nadia…
Sa voix se brisa.
Oscar savait que la mort de sa grand-mère la hanterait longtemps. Il la prit par les épaules mais elle se dégagea brusquement.
- C’est ici, déclara-t-elle en entrant dans ce qui avait dut être un salon.
Il ne contenait plus qu’un vieux canapé défoncé.
Fiona montra la corde qui pendait du plafond, attaché à une trappe.
Le commandant la tira et une échelle se déplia. Il grimpa le premier.
Le grenier sentait le moisie et des crottes de souris jonchaient le sol. La seule lumière provenait des deux lucarnes. L’une donnant sur la rue, l’autre à l’arrière de la maison. Quelques volutes de fumée dansaient dans la pièce sans aucune flamme.
Oscar opta pour la fenêtre de derrière. Elle était orientée plein ouest et donc plongée dans l’ombre à cette heure de la journée. De plus, le feu avait pris de ce côté-ci. Avec un peu de chance leurs agresseurs ne le surveillaient pas. Ou moins.
Il jeta un coup d’œil dehors. La pente du toit l’empêchait d’apercevoir la cour en contrebas, derrière la boutique. Tant mieux, s’il ne pouvait pas les voir, eux non plus. De plus la fumée qui jaillissait des fenêtres dont les vitres avaient explosé à l’étage inférieur leur offrirait un écran supplémentaire.
Pour une fois, le feu jouait en leur faveur.
Oscar veilla malgré tout à rester collé au mur tandis qu’il ouvrait la lucarne. Il attendit. Pas de détonation. Ni de flèches
- Je sors le premier, annonça-t-il. Si tout se passe bien…
Un grondement sourd retentit derrière eux.
Ils se retournèrent. Une langue de feu venait de jaillir de la trappe. Ils n’avaient pas une seconde à perdre.
- Suivez-moi ! ordonna Oscar en enjambant la fenêtre.
Il faisait merveilleusement frais dehors.
Ragaillardit, le commandant testa la résistance des tuiles. La pente était sévère mais ses bottes semblait adhérer à la toiture. En prenant des précautions, ils devraient y arriver. Il s’écarta de l’abri de la fenêtre, montant vers la crête du toit. Plus loin, la maison voisine apparaissait toute proche, un bond d’un mètre à peine. C’était faisable.
Il se retourna.
- Allez, Fiona, Soyez prudente.
Elle passa la tête par l’ouverture, regarda autour d’elle avant de ramper sur le toit. Elle resta à quatre pattes.
Oscar l’attendait
- Vous vous débrouillez très bien.
Fiona leva les yeux vers lui, détournant son attention de la tuile fendue devant elle. Son pied acheva de la briser. Elle perdit l’équilibre et tomba sur le ventre, avant de commencer à glisser.
Oscar plongea. Ses doigts ne trouvèrent que le vide.
A mesure que la jeune fille dérapait sur les tuiles, elle prenait de la vitesse. Tandis qu’elle tentait frénétiquement d’interrompre sa glissade, plusieurs tuiles se délogèrent déclenchant une véritable avalanche.
Gisant à plat, le commandant ne pouvait rien faire.
- La gouttière ! s’écria-t-il. Attrapez la gouttière !
Elle ne sembla pas l’entendre, ses ongles griffant le toit, ses pieds chassant d’autres tuiles. Soudain, ces derniers heurtèrent quelque chose et Fiona se retourna, roulant sur elle-même. Elle poussa un petit cri.
Les premières tuiles descellées franchirent le rebord du toit. Oscar les entendit s’écraser dans la cour.
Puis ce fut le tour de Fiona.
Il vit ses bras fendre l’air désespérément.
Avant de disparaître.