18h38
Stormwind
Royaume de l’Est
Oscar traversa la rue à toute allure.
Mais qu’est ce qui lui prend de débarquer ici comme ça !
Il s’inquiétait beaucoup pour Fiona. Et il devait aussi admettre que son intrusion lui fournissait le prétexte qu’il espérait. Il voulait assister à cette vente. Ceux qui avaient incendié la boutique, assassiné Nadia et essayé de le tuer étaient ici.
En arrivant devant la porte de la salle des ventes, il ralentit. Les rayons du soleil couchant la transformaient en miroir.
Oscar poussa la porte. Le hall d’accueil rendait hommage au minimalisme : bois blafards, parois de verre et pas grand chose d’autre. Le seul mobilier était constitué d’une chaise étroite, placée à côté d’une tablette, de la taille d’une tranche de pain sur laquelle trônait une orchidée décharnée. Sa tige était couronnée par un pétale rose et brun anémique.
Le portier se redressa en grimaçant comme une personne souffrant de maux d’estomac.
Oscar sortit son invitation de sa poche. On lui avait demandé d’expédier un virement de vingt cinq mille pièces d’or en guise de garantie pour obtenir ce sésame, et le droit de participer à cet évènement.
Le portier vérifia le bout de parchemin, hocha la tête d’un air consterné, et alla décrocher un cordon de velours barrant l’accès à un escalier menant au niveau inférieur.
Au pied des marches, une double porte donnait accès à la salle des ventes proprement dite. Deux gardes lourdement armés la gardaient.
L’un d’eux demanda à Oscar de se débarrasser de ses armes, lui assurant qu’elles lui seraient rendues à la fin de la vente. Sans brancher, le commandant obéit a la demande qui venait de lui être faite, et déposa son arsenal sur une petite table qui menaçait de s’écrouler sous le poids de son matériel.
Une fois satisfait, l’autre garde ouvrit la porte.
Oscar entra. Quelques regards convergèrent dans sa direction, mais la plupart des personnes présentes préférèrent continuer à examiner le contenu des présentoirs en verre alignés le long des murs. Des employés, tous vêtu de la même tenue noire, se tenaient derrière chaque comptoir comme un joaillier. Ils portaient des gants blancs et prodiguaient des informations et conseils à voix basse. Plusieurs gardes étaient positionner aux endroits stratégiques de la pièce, tandis que d’autres patrouillaient entre les différents acheteurs, afin de dissuader les éventuels voleurs.
Oscar se présenta à la réception et se fit remettre une petite raquette portant un numéro. Il s’engagea dans la salle. Quelques personnes s’étaient déjà installées sur leur siège. Il repéra le couple qui avait sans doute retardé la vente, le jeune homme et la jeune fille aux cheveux blancs.
Ils étaient assis au premier rang, une raquette était posée sur les cuisses de la femme. L’homme murmurait à son oreille. L’intimité de ce geste était peut-être renforcée par l’arc du long cou gracile de la fille, penchée comme si elle attendait un baiser.
Son regard effleura Oscar tandis qu’il descendait l’allée centrale.
Il atteignit la scène surélevée et se retourna lentement. Il ne repéra personne susceptible de constituer une menace pour lui.
Et aucun signe de Fiona.
Où était-elle passée ?
Il se dirigea vers les présentoirs et feignit de les observer l’un après l’autre, écoutant vaguement les conversations autour de lui.
Une soudaine animation attira son attention vers le fond de la salle.
Un grand personnage venait de faire son apparition dans la pièce. A l’élégance de ses atours, sûr de lui et resplendissant, il devait sans doute s’agir du très estimé M. Lonsang, commissaire priseur de Stormwind. Il affichait un sourire aussi charmant que faux.
La raison de sa gêne évidente le suivait. Ou plutôt y était contrainte par un garde qui lui menottait fermement le bras.
Fiona.
Le visage tout rouge et les lèvres blêmes, pincées.
Furieuse.
Oscar se dirigea vers eux.
Lonsang tenait un objet enveloppé dans une peau de chamois immaculée. Il s’arreta devant le présentoir principal, tout proche de la scène, qui jusque la, était resté vide. Un des employés le déverrouilla. Lonsang déballa l’objet avec soins pour le placer sous la vitrine.
Remarquant l’arrivée d’Oscar, le commissaire priseur se frotta les mains et s’avança à sa rencontre, paumes jointes comme pour prier. Derrière lui, le présentoir était à nouveau fermé.
Oscar réalisa alors ce qu’on y avait déposé.
Les carnets de Brann.
Fiona écarquilla les yeux quand elle découvrit le commandant Vivaiguille.
Il l’ignora pour demander à Lonsang :
- Y a-t-il un problème ?
- Bien sur que non, monsieur. Cette jeune dame va être raccompagnée. Sa place n’est pas ici.
Oscar sortit son carton d’invitation.
- Il est spécifié ici que je peux être accompagné, dit-il avant de s’incliner vers Fiona : Je me réjouis de constater que vous êtes déjà arrivée. J’ai déjà rencontré cette jeune femme aujourd’hui, ajouta-t-il à l’attention du commissaire priseur, pour discuter de la possibilité d’un achat privé. Oscar hocha la tête vers les carnet de Brann. Je suppose que vous ne verrez aucun inconvénient à ce que cette jeune personne reste à mes côtés déclara-t-il. Elle connaît l’objet mieux que personne. Ses conseils me seraient très utiles.
- Si vous le souhaitez, répondit Lonsang dont le sourire se crispa un bref instant. Mais elle devra rester près de vous en permanence. En tant qu’invitée, elle est sous votre responsabilité.
Il fit un signe en direction du garde. Fiona fut relâchée. Tandis qu’Oscar l’attirait vers le fond de la salle, il remarqua que ledit garde les suivait le long du mur.
Ils s’installèrent au dernier rang. Le tintement d’une clochette retentit, annonçant le début de la vente dans la minute suivante. Les siéges se remplirent. Surtout ceux des premiers rangs. La rangée du commandant Vivaiguille resta vide.
- Qu’est ce que vous fabriquez ici ? chuchota-t-il
- Je suis venu récupérer mes carnets, répliqua-t-elle, dédaigneuse. Du moins j’essayais.
Elle s’appuya contre le dossier de son siége, les bras croisés sur son sac de cuir.
Lonsang monta sur scène et procéda à quelques déclarations préliminaires. Les débats auraient lieu en langue commune, le langage le plus usité parmi la clientèle. Puis il se lança dans une explication des enchères, des commissions perçues par la maison et même du protocole d’usage. La règle la plus importante étant que les acheteurs n’étaient autorisés à surenchérir que pour un montant dix fois supérieures à la somme reçue à titre de garantie.
Oscar ne lui prêtait guère attention, continuant à discuter avec Fiona, ce qui lui valut quelques regards peu amènes des personnes assises devant eux.
- Vous êtes venue pour les carnets ? Pourquoi ?
Elle se contenta de bouder un peu plus.
- Fiona…
La jeune femme se tourna vers lui, en colère.
- Parce qu’ils appartenaient à Nadia !
Des larmes brillèrent.
- Ils l’ont tuée parce que les carnets de Brann étaient en sa possession, reprit-elle. Je ne leur laisserai pas.
- A qui ?
Elle esquissa un geste vague.
- Aux salopards qui l’ont assassinée. Je vais récupérer les carnets et les brûler.
Oscar soupira. Fiona voulait se venger. Difficile de lui reprocher…mais sa témérité risquait surtout de la conduire à la mort.
- Ces carnets sont à nous. Ils n’ont pas le droit de me les prendre.
Sa voix se brisa. Elle secoua la tête et s’essuya le nez.
Oscar posa un bras sur ses épaules.
Fiona grimaça sans se dégager.
Mer 2 Sep 2009 - 15:58
