[RP - EXCOMMUNICATUS TRAITORIS 2] REUNION DE FAMILLE

EXCOMMUNICATUS TRAITORIS

DEUXIÈME PARTIE : RÉUNION DE FAMILLE

Le soleil ne tarderait pas à se lever sur le Cœur de Pierre. Seule sur cette corniche, vaste comme l’arène Gurubashi et hors d’atteinte de part sa hauteur, elle ne comprenait guère l’intérêt de garder cet accès au donjon du Conclave des Ombres… à part sur le dos d’une créature volante, il était impossible d’y accéder. La foret en contrebas était en outre réputée pour abriter une faune sauvage et inamicale, les ours et autres loups y étaient légions et à moins d’être un combattant hors pairs, il arrivait trop souvent qu’une lourde patte ou un puissant coup de mâchoire ne fauche prématurément l’aventurier pas assez prudent. Seule sur cette corniche, le regard perdu, elle essayait de percer quelques détails qui auraient trahis l’existence d’une présence plus bas dans la vallée. A cette hauteur, elle ne voyait qu’une forêt de touffes vertes, pareil à un tapis de mousse. Inutile de chercher à percer le manège d’un oiseau allant et venant pour nourrir sa portée, idem pour les écureuils sautant de branches en branches… à cette hauteur vertigineuse, il était virtuellement impossible d’apercevoir quoique ce soit. D’ailleurs, à regarder ainsi depuis ce qui lui paraissait être une éternité, Veronica Von Karma, plus connu sous le pseudonyme de Nalicia, terrible voleuse de son état, commença à ressentir les effets du vertige.
- J’ai beau être morte, souffle-t-elle d’un air amusé. Le vide me donne toujours autant la chair de poule…
- Tu m’as parlé ? fit une voix derrière elle.
- Non Soul, répondit-elle sans se retourner. Je parlais toute seule…
- Ah, acheva-t-elle d’un air maussade.
Nalicia roula les yeux en entendant la réponse de sa sœur cadette. Qu’allait encore imaginer cette écervelée ? Qu’elle préférait parler toute seule plutôt que de lui parler de la pluie et du beau temps ? Ce n’était pas faux mais Souleazer la guerrière passait pour être une personne un peu trop sensible, surtout pour une Réprouvée. Agenouillée devant un feu de camp improvisé, elle jetait avec soins quelques brindilles de bois secs pour le maintenir assez vif pour pouvoir y chauffé le petit déjeuner.
- Tu n’es pas obligée d’être là, lança Nalicia en se rapprochant de sa sœur. Si Sando ou un autre apprend que tu es venue pendant ma nuit de garde ça va mal se passer pour toi… et pour moi par la même occasion.
- A d’autres frangine, tu sièges au conseil des officiers, j’ai du mal à croire que papy Sando dirait quoique ce soit sur cette réunion familiale…
- Peut-être…
Elle s’agenouilla et fut heureuse de sentir la chaleur du feu venir réchauffer sa peau glacée. Marmonnant quelques indicibles paroles pour elles-mêmes, Souleazer se démenait avec sa marmite et remuait continuellement son contenu à l’aide d’une louche certes usée mais toujours aussi efficace. Curieuse, Nalicia se pencha sur le contenu et huma à pleins poumons, se régalant d’avance de ce qu’elle allait se mettre dans le ventre… qu’elle ne fut pas sa déception lorsqu’elle identifia le contenue de la marmite…
- Du café ?
- Bah oui, répondit Souleazer sans la regarder. Rien de tel pour commencer une journée, une tasse pleine de café… surtout du mien…
« Tu parles d’un café, même le jus de chaussette de la vielle Jorga est meilleur »
Elle se garda bien de dire à haute voix le fond de sa pensée et se contenta de pousser un soupire à fendre l’âme.
- Je sais que tu ne le trouve jamais assez fort alors j’ai fait un effort, j’ai divisée par deux la quantité d’eau.
- Ah ? répondit-elle surprise. Mais toi…
Lâchant la louche et affichant un sourire en coin, elle montra à sa sœur une petite fiole dont le contenu blanc et mousseux.0
était parfaitement reconnaissable.
- Du lait ? Ne me dis pas que tu es allée le dans la cuisine des gnomes… Verti aura ta peau pour ça !
- Mais non, mais non, rassura-t-elle. Jamais je n’irai dans la cuisine pour voler les réserves. Verti me ferait certes la peau mais Sando me ferait bien pire.
Satisfaite d’entendre sa sœur parler de façon si responsable, Nalicia s’apprêtait à la féliciter lorsque la suite de la phrase la décontenança.
- Je l’ai piquée à Jorga et je lui ai laissée une note lui promettant de lui rendre dès que je pourrais.
Elle aurait du l’engueuler mais elle n’en fit rien, préférant sourire en imaginant la tête de la vieille trolle incapable de mettre la main sur son précieux nectar blanc et pestant, encore une fois, sur la taquinerie de ses amis.
- Je crois que Thobrak pourrait en trouver, dit Nalicia. Il parait qu’il paye quelqu’un pour faire paitre quelques vaches et brebis prêt de l’entrée ouest… je serai d’ailleurs curieuse de savoir qui d’ailleurs. Qui peut être assez stupide pour se faire fermier contre quelques pièces d’or…

Alors qu’il dormait paisiblement, Sstevee se réveilla en sursaut. Ses oreilles faisaient un épouvantable bruit, sifflant et bourdonnant, in se tapa la tête pour essayer de faire passer cette désagréable sensation.
- Quelqu’un parlerait de moi ?
Dans la même pièce, Manerk et Dytrol ronflaient paisiblement et souriant, il décida de ne pas y prêter davantage d’attention et se rendormit.

Nalicia savoura la première gorgée du nectar brun comme le plus délicieux des élixirs, l’amertume lui émerveilla les sens alors que la chaleur brulante du café réchauffait son corps transi.
- Mais sinon Soul, pourquoi tout ça ? Pourquoi la compagnie durant la nuit de garde ? Pourquoi le petit déjeuner ? Pourquoi tout ça ?
- Bah pour passer un moment avec toi…
- A d’autres frangine, tu as une idée derrière la tête pour agir comme ça, je te connais trop bien et tu fais rarement les choses gratuitement… en outre tu n’irais pas voler du lait dans la réserve personnelle de Jorga juste pour passer un moment avec moi… alors… pourquoi ?
Souleazer déglutit difficilement. Sa sœur avait percée à jour son stratagème et maintenant qu’elle se retrouvait dos au mur, elle sentait son courage et son aisance fondre comme neige au soleil. Pouvait-elle lui dire ? Lui dire que si elle avait choisi le petit matin c’est qu’elle pensait que sa sœur serait davantage disposée à répondre à ses questions, après une nuit d’ennui et de froid, comment pourrait elle refuser au besoin de répondre aux questions de sa sœur ? Elle le refusait habituellement mais devant un café, que pourrait-elle lui refuser ?
- C’est que… enfin…
- Crache Soul, je suis de bonne humeur alors profites en…
Soupirant et faisant fit de la terreur qui lui nouait le ventre, elle se jeta à l’eau.
- Pour être franche, j’espérai que tu me parleras de moi, de papa, de maman, enfin de celle que j’étais avant d’être… ça…
Une ligne de tension apparut sur le visage de la voleuse. Le « ça » était de trop mais elle prit sur elle de ne rien dire dessus, elle ne savait que trop bien que, contrairement à la plupart des réprouvés du Conclave des Ombres, elle n’avait pas fait le deuil de son corps, de la nouvelle femme qu’elle était devenu après être revenu à la vie ou plutôt, à la non-vie ; surtout parce que contrairement aux autres, Souleazer n’avait quasiment aucun souvenirs de sa précédente existence, ce qui ne l’aidait pas à aller de l’avant…
- Je dois savoir Nalicia…
- Savoir quoi ? répondit-elle excédée. Tu sers la Dame Noire et la Horde, c’est la tout ce dont tu dois savoir, on se fiche de ce que tu étais avant, ce qu’étais papa, maman ou encore… enfin bref, on s’en fiche.
Ou encore ? Ou encore quoi ? Ou encore… qui ? Elle allait parler, elle allait se trahir ! Ragaillardit par une telle faute, Souleazer, pleine d’espoir, revient à la charge.
- Nalicia je…
- Assez ! trancha la voleuse en jetant sa tasse de café par terre dans un geste de colère. Silence !
Et Souleazer se tut ; blessée et désespérée… elle ne comprenait pas pourquoi sa sœur lui refusait ces simples informations. Engouffrant son visage dénaturé entre ses horribles mains de mort-vivante, la guerrier céda au chagrin et s’en pouvoir se contrôler, les larmes roulèrent d’elles-mêmes sur ses joues.
- Pourquoi me refuser ça, pourquoi alors que je souffre tant d’ignorer qui était Allianna Von Karma…
Nalicia ferma les yeux les yeux. Malgré son caractère destructeur et névrosé, voir sa sœur ainsi était pour elle pire qu’une torture mais comment pourrait elle jamais lui avouer la vérité ? Comment pourrait-elle lui annoncer que Malkav Von Karma, leur propre mère était une chienne dévergondée de la petite noblesse de Lordaeron qui avait trempée dans le trafic d’esclaves ? Comment lui dire que leur propre père, Maréchal de Stormwind avait vendu son âme au roi liche pour devenir un chevalier de la mort, le terrible général Plaguebringer, responsable de la mort de milliers d’innocents et pour finir, comment lui dire la vérité sur Valentina Von Karma…
- Je suis désolée Souleazer, sincèrement, mais je ne peux pas…
Tu me haïrais en entendant quel rôle j’ai tenue dans ton retour dans la non-vie, je t’ai perdue une fois à cause de mon égoïsme, je ne veux pas répéter les mêmes erreurs…
Nalicia se resservit une tasse de café alors que Souleazer n’en finissait plus de sangloter. Derrières elles, le soleil montrait enfin le bout de son nez, réchauffant de ses ardents rayons rubiconds les cœurs gelés de ces deux femmes.
- La journée sera maussade… murmura la voleuse.
- Ça je ne crois pas ! lança comme un coup de tonnerre une nouvelle voix venue de nulle part.
La terre se mit à trembler et sous les yeux effarés des deux sœurs, le feu de camp vola en éclats, dispersant les braises, les cendres et la marmite aux quatre coins de la corniche. Une faille fit son apparition et de cette faille sortit alors doucement une sorte de porte. Réagissant plus vite que l’éclair, Souleazer en fit le tour et vint se mettre aux cotés de sa sœur. Elles se reculèrent de quelques mètres et attendirent.
- C’est un portail de téléportation…
- Dis moi que c’est Sando qui va débouler à travers pour me tirer les oreilles d’avoir passé la nuit avec toi.
- J’espère Soul… ça, je l’espère… au cas où tu es équipée ?
- Bien sur, je ne quitte mon armure que pour dormir, quant à mon arme et mon bouclier je dors avec.
Nalicia se permit un sourire en coin : elle faisait pareil avec ses dagues. Sans mot dire, elles se collèrent dos à dos, adoptant ainsi la meilleure des postures face à l’éventuel danger qui arrivait. Elles se mirent à regarder vers la source du bruit et la porte mais ne virent rien. Elles dressèrent l’oreille… rien de plus…
- La porte s’ouvre…
- Je sens un danger frangine, souffla Souleazer. Tiens-toi prête.
- Je sais.
Et il apparut. Mettant un pas hors du portal qui se referma et disparut dans la seconde d’après, il se tenait à bonne distance des deux sœurs. Majestueux face au soleil levant, il portait une armure de plaques plus noire que la nuit alors qu’une cape souillée et rouge sang virevoltait au vent. Le visage flanqué son un terrifiant masque de mort, de son dos dépassait la garde d’une épée sinistre dont le pommeau s’ornait d’un crane figé dans un affreux rictus. Il arborait en outre une silhouette gracile d’elfe. Haut elfe ou elfe de sang, elles n’auraient pu le dire mais une chose était sur : il se dégageait de ce nouveau venu une terrible aura de givre et de mort, ainsi qu’une insatiable envie de tuer…
- Je suis désolé d’interrompre cette petite réunion de famille mais j’ai pour ordre d’attaquer dès le lever du soleil et comme vous pouvez le voir mesdames, il est plus que temps… mais je ne pensais pas trouver deux adversaires… laisser moi rééquilibrer la chose…
Dans un geste lent et calculé, il leva une main et prononça un mot de pouvoir. Le sol se craquela et sous les yeux ébahis des deux réprouvées, plusieurs goules firent leur apparition.
- Nous y allons ? C’est à nous d’ouvrir le bal mesdames mais je dois vous prévenir … la première danse sera… macabre ! acheva-t-il dans un monstrueux rire dément.
Ce fut alors le signal, rompant la posture défensive, Souleazer s’empara de son bouclier et de son arme et fonça tète la première sur les goules.
- Je me charge des sous-fifres ! Occupe-toi de lui !
- Compris !
Alors que Souleazer sonnait la charge, Nalicia, d’un bond prodigieux, sauta par-dessus sa sœur qui engageait le combat pour frapper de ses dagues le chevalier à l’armure d’ébène. Mais loin d’être pris au dépourvu, ce dernier s’empara de son épée et para le coup.
- Intéressant… mais stupide !